Travaux Personnels Encadrés

La Bioéthique

Le TPE

Les Bébés Médicaments

INTRODUCTION

Lorsque la maladie nécessite plus que de simples traitements, et qu’elle trouve son origine dans le patrimoine génétique de la personne, on parle de maladies génétiques. On peut soigner ces maladies à l’aide de greffes de cellules souches. Mais cette technique nécessite une compatibilité du système HLA( human leukocyte antigen), qui correspond aux molécules à la surface des cellules, qui permettent l’identification par le système immunitaire de ces dernières. On trouve cette compatibilité chez les membres d’une même famille, et plus particulièrement chez les frères et sœurs entre eux. La compatibilité intrafamiliale est théoriquement de 25%, ce qui amène à rechercher dans des registres mondiaux des donneurs de moelle osseuse lorsque c’est nécessaire. Mais le succès de la greffe est sensiblement plus élevé quand des liens de parenté existent.
On pourrait aussi prélever à la naissance des cellules souches sur la cordons ombilicales de chaque nouveau né , les conserver, dans un but thérapeutique futur. Mais ce n’est pas encore autorisé dans nos pays.

Cependant, depuis quelque années, et grâce au développement des techniques médicales en termes de suivi et de procréation, on peut sélectionner un embryon, pour qu’il ne soit pas porteur d’une maladie, et qu’il soit HLA identique à un frère ou une sœur, dans le but de le guérir. C’est en 2001 exactement qu’une équipe américaine a eu recours pour la première fois à un «Saviour Sibling » , que l’on traduirait par «bébé médicament ».

Par ailleurs, cette alternative pour soigner un enfant est teintée de nombreux problèmes éthiques, comme le montre le film hollywoodien « My sister’s keeper », adapté d’un roman. Cette histoire raconte le devenir d’un « bébé double espoir », qui âgé de 12ans, poursuit ces parents pour qu’ils ne l’obligent pas à donner son rein à sa sœur, atteinte d’une leucémie.
On peut alors se demander, dans quelle limite les « bébés médicaments » peuvent-ils être utilisés de nos jours ?

Pour répondre à cette question, nous verrons dans un premier temps l’évolution de ce type de procréation dans la législation, puis la procédure qui en découle. Enfin, nous verrons les problèmes éthiques liés à ces enfants.

Le Point de Vue de la Loi

Ce n’est que récemment que les DPI ( diagnostic pré-implantatoire) ont été autorisés à servir dans le cas de « bébés médicaments », eux- mêmes autorisés depuis la loi de bioéthique de 1994. Autrefois réservés aux couples ayant « une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie particulièrement grave, reconnue comme incurable au moment du diagnostic » [ Loi du 6Aout 2004], la loi a évolué vers une sélection d’embryons immuno-compatibles avec un frère ou une sœur déjà nés. Ainsi, le recours à cette technique est autorisé dans le cas où le couple a donné naissance à « un enfant atteint d’une maladie génétique entrainant la mort dès les premières années de vie et reconnue comme incurable au moment du diagnostic(…)que le pronostic vital de cet enfant peut être amélioré de façon décisive par l’application sur celui-ci d’une thérapie ne portant pas atteinte à l’intégrité du corps de l’enfant né du transfert de l’embryon in utero(…) » [Loi de 2006 ; article L.2131-4 du code de la santé publique.].

Cette technique doit être placée sous le contrôle de l’agence de biomédecine, et consiste à prélever « des cellules issues du sang de cordon ombilical de l’enfant né du transfert de l’embryon in utero(…)à la naissance(…) » [article R.2131-4-1 du code de la santé publique]. Cette pratique s’entoure de nombreuses précautions, pour qu’elle garde un caractère « exceptionnel ».

Mais la loi n’est pas la même partout, et l’on peut citer des pays européens comme l’Allemagne, l’Italie, la Suisse qui interdisent ce type de pratique. La France se démarque dans le sens où c’est la seule à avoir organisé des débats parlementaires autour de ce sujet, et à disposer de loi sur la DPI et sur ce concept. A noter que dans le monde, les pionners dans ce domaine furent les Etats-Unis.

La Procédure en France

Le délai d’attente d’un DPI est d’environ un an, mais peut être mis en œuvre plus rapidement dans le cas des « bébés double espoir ». Trois centres en France sont agréés par le Ministère de la santé pour sa réalisation : le centre Paris-Clamart de Paris, le centre de Strasbourg , et celui de Montpellier. Parmi eux, seul celui de Paris met en place la DPI dans le but de faire naître un enfant qui aura une possibilité thérapeutique pour un de ses frères.

La plupart du temps, le recrutement des couples s’effectuent soit par l’intermédiaire du généticien en charge de l’aîné malade, soit par une démarche personnelle des parents.
Aucune famille n’est exclue de ce type de prise en charge, mis à part pour des critères médicaux. Par exemple, au-delà de 38 ans, les aides médicales à la procréation sont moins efficaces, notamment à cause de la diminution de la réserve ovarienne de follicules.
De plus, un équilibre psychique et une réelle motivation est nécessaire pour qu’un dossier soit accepté.
Puis, les conjoints sont reçus par de nombreux intervenants, pour les informer et répondre à leurs questions ( par exemple les Dr. Frydman ou Munnich pour le centre de Paris) avant de remplir le formulaire de consentement. La consultation des médecins est précédée d’une réunion d’information sur le déroulement d’une FIV et d’un DPI.

Mais la procédure intéresse également une troisième personne, l’enfant malade. Malheureusement, on peut noter que son avis n’est que très rarement pris en compte, car il s’agit généralement d’un enfant malade et trop jeune.

Par ailleurs, au-delà du côté thérapeutique, et administratif, la loi met en place l’idée de « projet parental » pour les parents. En effet, ils doivent avant tout faire un enfant, car ils le désirent. De ce fait, la loi reconnaît les deux individus comme les parents légaux du « bébé médicament », et leur donne les droits et devoirs qui vont avec ce futur enfant. Mais certains praticiens interrogés remettent en question l’effectivité de ce concept, même s’ils y sont favorables.

Enfin, si l’espoir de guérison pour l’enfant malade et la famille semble justifier la réalisation d’un « bébé médicament », il existe de nombreux facteurs limitant cette technique. Premièrement, le champ de pathologies est limité, car il ne concerne que les maladies héréditaires dont la thérapie exige une greffe de cellules souches. Secondement, la procédure est longue et incompressible, car elle prend en compte l’enquête familiale, la mise au point de deux tests génétiques, des cycles de FIV, et la grossesse elle-même. Tout cela pouvant être fatal dans le cas d’une nécessité rapide de cellules souches. Enfin, les contraintes techniques et le taux de réussite de cette procédure, estimé à 9% suite aux expériences mondiales, entrainent des réserves, autant éthiques, que déontologiques. Il est nécessaire en effet de s’interroger sur la mise en œuvre d’une procédure médicale avec un taux de résultat positif si faible.

Bébé médicament ou Bébé double espoir ?

Tout au long de ce dossier, nous avons employé principalement deux termes : « Bébé médicament » , qui fut la première appellation donné à ces enfants. Pourtant, l’expression dérange, car elle sous-entend une idée d’instrumentalisation du corps humain, teintée d’utilitarisme.(L'utilitarisme est une doctrine éthique qui prescrit d'agir ou ne pas agir de manière à maximiser le bien-être global de l'ensemble des êtres sensibles. L'utilitarisme est donc une forme de conséquencialisme : il évalue une action uniquement en fonction de ses conséquences, ce qui le distingue des morales déontologistes, notamment la morale kantienne.).

On a alors décidé de les nommer « bébé double espoir », car ils représentent l’espoir d’un enfant en bonne santé, et aussi l’espoir de guérir un autre enfant de la famille.

Les opposants dénoncent une pratique où l’on sélectionne un embryon, sur ses seules capacités à soigner son aîné. Or, La convention d’Oviedo et la déclaration universelle sur le génome humain de l’UNESCO rappellent que « nul ne doit faire l’objet de discrimination fondées sur ses caractéristiques génétiques ». Pourtant, mise à part une sélection qui permet une compatibilité AMH avec l’enfant malade, le futur bébé ne tire par d’avantages biologiques dans la sélection, et son intégrité physique n’est pas modifiée, on peut donc en conclure que la discrimination effectuée chez les embryons dans un simple but thérapeutique est acceptable.

De plus, un autre problème éthique se pose : comme l’énonce le philosophe Emmanuel Kant, l’impératif moral nous dit d’agir « de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen ». L’enfant qui naitra peut alors se sentir comme un simple moyen de guérison, et non comme un enfant désiré. Mais on peut tout de même penser que des parents aimant leur enfant au point de tout faire pour le sauver, sauront aimer au même titre que le premier, un second venant guérir l’aîné. Il n’est dont pas immoral de concevoir un enfant pour soigner un autre, tant qu’il n’est pas conçu uniquement à cet effet.

Enfin, le ressenti entre l’enfant sauveur et l’enfant sauvé peut être délicat au sein de la famille. L’un et l’autre, ne se sentiront-ils pas redevables d’être en vie par rapport à l’autre ? Il n’y a pas de vraie réponse à cette question, on peut seulement supposer que l’amour des parents, et les liens fraternels, iront au-delà de questions de ce type. Je retiens personnellement que deux enfants en bonne santé valent mieux qu’un enfant mort.

CONCLUSION

Les « Bébés médicaments » sont un nouvel espoir, mais aussi une expérience inédite dans le monde. Cette procédure n’est pas encore très répandue, on peut citer par exemple Adam, premier enfant de ce type conçu au Etat-unis en 2001 pour soigner sa sœur Molly ; Umut-Thala en 2006 en France ; ou encore Javier en 2008 en Espagne.

De nombreuses précautions sont prises pour protéger l’embryon, et empêcher son instrumentalisation. Par exemple, l’obligation d’un projet parental.

La limite de leur utilisation est que l’enfant doit être désiré, avant même d’envisager de sauver un autre être. Il est ainsi important de protéger l’embryon humain, sans quoi des dérives sur son utilisation seraient possibles

Enfin, certaines œuvres de littérature, telles que Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, nous donne une idée de ce que pourrait être un monde ou l’embryon et l’enfant sont manipulés à l’extrême, et présélectionnés dans le but de correspondre à un besoin. Heureusement, la loi et l’éthique empêchent pour l’instant la science d’arriver à de tels extrêmes.